Introduction

En 1984, Roger Ferlet et al. détectent pour la première fois des exocomètes autour le l’étoile β Pictoris. A l’époque, pour être pris au sérieux, ils parlaient de FEB pour “falling evaporating body” au lieu du mot “exocomète” ;) En même temps il n’était pas encore question d’exoplanète !

La technique de détection de ces exocomètes repose sur de la spectrographie. Ferlet et al, ont remarqué d’étroites raies en absorptions au cœur de la raie K du calcium ionisé (Ca II K). Il a fallu plusieurs années pour construire les modèles (Lagrange et al. 1986; Beust et al. 2000) permettant de comprendre et interpreter les observations. Toute une série d’article sur le sujet à été publiée de 1985 à 1998.

Voici ci-dessous les spectres (centre de la raie du calcium ionisé Ca II-K) de l’étoile β Pictoris (Ferlet et al. 1984). En trait plein gras à environ 22 km/s une absorption correspondant à la composante stable du disque de gaz circumstellaire. Les autres spectres montrent des variations de cette raie ou bien des absorptions secondaires légèrement décalées vers le rouge. Ces variations sporadiques sont attribuées à des transits (coma de gaz) d’exocomètes.

Spectres tirés de l’article “The Beta Pictoris circumstellar disk, R. Ferlet et al, 1987”
https://articles.adsabs.harvard.edu/pdf/1987A%26A...185..267F

Spectres tirés de l’article “The Beta Pictoris circumstellar disk, R. Ferlet et al, 1987” https://articles.adsabs.harvard.edu/pdf/1987A%26A...185..267F

A ce jour nous connaissons une quarantaine d’étoile présentant des signatures similaires. En parcourant la littérature, mon attention à été retenu par l’étoile HD217782 (2 And). Elle est assez brillante (magnitude 5) et bien placée dans le ciel d’été. Son disque de gaz (en partie lié à l’activité cométaire) ainsi que des FEBs sont détectables dans les raies du calcium ionisé (Ca II H et K) et également dans les raies du sodium (Na I). J’ai l’intuition que ce disque de gaz (et des FEBs ?) peuvent peut être détectés par les amateurs.

Observation du disque de gaz

J’ai observé 2 And en haute résolution (R=20000) avec un spectrographe Star’Ex et une lunette de 72mm. Le spectro à été réglé pour observer ****le ****doublet du sodium (Na I). L’étoile 2 And (HD217782) est de type spectral A3V et tourne rapidement sur elle même (vsini = 230 km/s). Cette rotation rapide à pour effet d’ellargir les raies. Cela se traduit, au niveau du doublet du sodium, par un petite raie en absorption très élargie au lieu de deux raies fines bien marquées.

Pour l’exercice j’ai réalisé 2 spectres d’étoile de la séquence principale de type spectral A : Vega et Altaïr. Vega tourne sur elle même à environ 20 km/s contre plus de 200 km/s pour Altaïr. Nous avons donc un différence notable entre les spectres en haute résolution. Comme prévu Vega affiche deux belles raies du sodium, peu profonde, mais tout de même bien présentes. Par contre rien sur Altaïr, les 2 raies du sodium sont très élargies et se retrouvent complétement confondues et aplaties. Le spectre attendu de 2 And devrait être très similaire à celui d’Altaïr. Le type spectral est proche et la vitesse de rotation (vsini) quasi identique. Sauf que, et c’est là que ça devient intéressant, le résultat est différent ! On retrouve le profil photosphérique attendu avec une raie très élargie et peu profonde mais à cela s’ajoute deux absorptions. L’origine de ces absorption, dites non-photosphériques, peut provenir de l'environnement proche de l’étoile (disque circumstellaire - CS) et/ou de nuages du milieu interstellaire local (ISM, Redfield & Linsky 2008). Pour résumer très grossièrement, il est possible de trancher entre les deux hypothèses en fonction de la vitesse radiale des absorptions observées. Dans le cas de 2 And l’hypothèse admise pour expliquer l'origine de l'absorption principale est qu’il s’agit de la composante stable du disque de gaz (1). Après correction de la vitesse héliocentrique, la position moyennes des absorptions détectées se situent à environ -9 km/s par rapport au raies Na I au repos. C’est en très bon accord avec le résultat attendu qui est de -9.2 km/s *(1). *****

Spectre lumière blanche, lors du réglage du spectrographe Star’Ex, avec les deux raies du doublet du Sodium (Na I) décentrées vers la gauche.

Spectre lumière blanche, lors du réglage du spectrographe Star’Ex, avec les deux raies du doublet du Sodium (Na I) décentrées vers la gauche.

Spectre de Vega, Altaïr et 2 And lors de la première nuit d’observation. En haut les spectres réduits et normalisés et en bas la même chose après le retrait des raies telluriques.  Le spectre attendu de 2 And après retrait des raies telluriques devrait être très similaire à celui d’Altaïr. En bas, les spectres sont également corrigés de la vitesse héliocentrique.

Spectre de Vega, Altaïr et 2 And lors de la première nuit d’observation. En haut les spectres réduits et normalisés et en bas la même chose après le retrait des raies telluriques. Le spectre attendu de 2 And après retrait des raies telluriques devrait être très similaire à celui d’Altaïr. En bas, les spectres sont également corrigés de la vitesse héliocentrique.

Spectre brut de l’étoile 2 And - 72ED + Star’Ex HR - 1500s de pose, fente de 10µm.

Spectre brut de l’étoile 2 And - 72ED + Star’Ex HR - 1500s de pose, fente de 10µm.

Exocomètes ?

Bien que la signature détectée ci-dessus (absorption stable) est (dans le cas de 2 And) pour partie alimentée par l’évaporation des exocomètes dans l'environnement circumstellaire immédiat ce n’est pas suffisant pour en conclure qu’il s’agit d’un “transit” d’exocomète.

Afin d’aller plus loin, il faut maintenant essayer d’observer des variabilités dans le disque, variabilités assimilées à des FEB pour “falling evaporating body” . Ces FEB prennent la forme d’absorptions visibles de manière sporadique de forme et position variables. Ils apparaissent lors de transit d’exocomètes en cours d'évaporation (coma de gaz).

Pour mieux comprendre à quoi le phénomène ressemble, voici ci-contre un exemple de FEB détecté ****sur l’étoile HD182919 (5 Vul). Spectre du cœur de la raie Ca II K, extrait de l’article de Rebollido et al (1). Le FEB est situé à environ 25 km/s, courbe rouge correspondant à l’observation du 14 juillet 2016.

Untitled

L’idée est donc de suivre l’étoile sur plusieurs nuits et de voir si il est possible de détecter une variation significative qui pourrait être assimilée à un transit d’exocomète. Le retrait des raies telluriques est assez délicat dans la région du sodium, il y en a partout ! Cela ajoute de l’incertitude au profil des spectres. Le rapport signal bruit (RSB100) assez faible au vu du diamètre de la lunette utilisée (72mm) n’arrange rien. Il est donc peu probable que la qualité finale des spectres permettent la détection des petits transits mais je tente tout de même un suivi sur plusieurs nuits, on ne sait jamais ;)

J’ai travaillé lors des trois premières nuits avec une fente de 15 microns (R20000) puis je suis ensuite passé sur une fente de 10 microns (R25000) afin de gagner quelques points de résolutions.